Si je n'avais pas lu Edward Saïd, je serais orientaliste - لو ما قرأت كتاب إدوارد سعيد لكنت مستشرقة

Wednesday 29 August 2012

Badawi - de Mohed Altrad


(éditions Actes Sud, collection Babel)

       "Tu est un Badawi. Comme ton père, et le père de ton père, et tous ceux qui, avant lui, ont traversé le désert. Si tu n'écoutes pas ton histoire, tu seras aussi léger qu'un nuage dans le ciel, tu ne pourras jamais te poser, aussi léger qu'une plume que le vent emporte au loin." P.27

       "- pourquoi veut-il appeler un menteur ?- Parce qu'il ne sait pas ce que veut dire un avocat ! Tu vois, là-bas, l'homme au chapeau en face de lui ? C'est le procureur. Il vient de terminer sa plaidoirie. Le Bédouin conteste. Il croit assister à un concours de menteurs et il demande à choisir son champion" P.85 

     "Il lui semblait même qu'elle prenait plaisir à leur conversations, souvent prolongées, devant la porte de sa maison. Ce devait être cela, l'amour idéal dont parlait les soufis. Se plaire dans la compagnie de quelqu'un. Mêler ses joies, ses apsirations les plus profondes, être dans une communion lumineuse." P.108-109 

     "D'une certaine manière, on pouvait dire de Qaher qu'il avait retrouvé le désert. Mais en fait, le désert n'était pour lui qu'une donnée secondaire de sa nouvelle situation. Lui importait avant tout ce qu'il avait trouvé au bout de la route : l'immense complexe pétrolifère. Immédiatement, il en avait senti la puissance. Une puissance tangible, massive, intense, qui pliait à son service des milliers d'êtres et de machines et les faisait travailler en rythme, dans la même direction, en ébranlant le sol. Enfant, il avait soupçonné l'existence de cette puissance dans le ronronnement mécanique du camion de son père, la lumière des lampes à pétrole dont celui-ci inondait ses invités pour leur imposer le respect et étaler sa richesse, le fracas du chantier de construction du palais de justice de Raqqah, où la justice se comptait en billets de banque. Il avait découvert, ici, combien elle était supérieure à tous ses rêves. Organisée, planifiée, efficace, enfin restituée à elle-même, elle s'était révélée capable d'araisonner la terre, de pénétrer dans ses entrailles. Il avait goûté cette puissance. Depuis huit mois il y collaborait. Elle l'avait investi. Il était une part de cette puissance. Chaque joue un peu plus" P. 198-199

     "Il était resté longtemps à contempler les derricks noircis par la fumée, désormais inactifs. Il avait cherché à retrouver ce goût de puissance qui l'avait saisi quand tout était encore en activité. (...) Tous ces milliers d'hommes et de machines qu'il avait imaginés, travaillant au même rythme, dans la même direction, ébranlant le sol, étaient absents, ils avaient disparu exactement comme s'ils n'avaient jamais existé. Aussi vaine, aussi mensongère, cette puissance, que celle à laquelle ils s'était heurté, enfant, quand il avait dû affronter l'incompréhensionde sa grand-mère, le mépris de son père, aussi trompeuse que le fracas du chantier de construction après qu'il eût assisté au jugement de son jeune oncle. Il était reparti, indifférent à cette chose morte, indifférent à son sort.» 
p.239

      «Le désert, c'était l'hostilité que l'on devait vaincre, il fallait ne l'avoir jamais connu pour croire qu'il fût autre chose. Les bédouins avaient tiré toute leur force de leur lutte contre le désert, certainement pas de sa douceur. Ils l'avaient dompté à leur manière, mais savaient qu'il restait aussi dangereux qu'un serpent endormi.»P.204



      Très beau roman, ou plutôt autobiographie romancée, si l'on lit la page Wikipédia de l'auteur. La vie incroyable de cet enfant bédouin et orphelin qui finit par devenir ingénieur, dans le livre, et à la tête d'une multinationale dans la vraie vie. Très bien écrit, j'y ai lu clairement ce que j'ai pu percevoir du désert les rares fois où je m'y suis trouvée. Et ce qui m'y attire. 
        Une enfance malheureuse au fin fond de la Syrie, un orphelin de mère qui se trouve rejeté par son père et par la société du fait d'être bédouin, mais fasciné par le jeu des puissants (comme le juge qui condamne injustement son oncle), sa volonté peu commune le fait aller envers et contre tout à l'école, puis en France pour les études, puis sur les champs de pétrole dans le Golfe ... En quittant la Syrie il pense pouvoir quitter son passé et le désert, même son amour d'enfance. Mais il ne quitte que la Syrie, le désert le poursuit, et son ancienne amoureuse Fadia le retrouve. Malheureusement, et c'est le seul point négatif que je trouve au livre, il ne saura pas combler les attentes de Fadia qui repart, rêves brisés. Pourtant ce n'était pas très dur de donner une belle fin à ce livre : le héros réalise qu'il aime encore Fadia, contrairement à ce qu'il s'était imaginé, il aurait pu tout simplement aller la chercher en Syrie, pour mieux repartir avec elle vers d'autres horizons. Mais non, il lui écrit une lettre d'adieu. Je n'ai jamais vraiment compris l'intérêt de faire des histoires d'amour tristes quand une fin heureuse aurait pu être si évidente et simple comme dans ce livre ... 
       Bref, donc une belle surprise, une magnifique histoire du style "rêve américain" mais écrite simplement, sobrement, discrètement, sans vantardise ni leçons de morale, l'histoire d'une vie hors du commun de quelqu'un qui s'est choisi un destin parce que la vie ne lui avait pas laissé grand chose d'autre que la volonté et ce qu'il appelle la "ruse" ... On comprend finalement qu'il n'a peut être pas tant choisi ce destin que ce destin de l'a choisi : sans famille, sans attache, contrairement aux autres enfants qu'il côtoyait, que pouvait-il faire d'autre que partir au loin ?



(كتاب مثير للانتباه : الكاتب هو بدوي من سورية الذي عاش حياة قاسية هناك ومعانات مختلفة لكونه يتيم وبدوي وكافح وذهب إلى المدرسة مع أن لا أحد شجّعه على ذلك ومع الدراسة الذي دفعته إلى الجامعة في فرنسا أصبح هذا الرجل مدير لشركة كبيرة أسسها وهو الآن أحد من أغنى الأشخاص في فرنسا. لا أعرف إن كان ذلك الكتاب مترجما الى العربية ... قصة حقيقية مكتوبة بأسلوب جميل غير الأسلوب المفخم المضجر يستعمله كثيرا المؤلفون الأميريكيون في الصيرات الذاتية الناجحة مثل ذلك القصة) 

Thursday 16 August 2012

لم يكن هنالك طريق
دائمًا كانت هنالك خطوات تبتكر طريقًا

(من كتاب "زوج حذاء لعائشة" لنبيلة الزبير ... مقالة عنه فيما بعد)

Version arabe de "No hay camino, hay que caminar" ( il n'y a pas de chemin, il n'y a qu'à marcher).
Je ne sais pas d'où cette phrase vient, mais le compositeur Luigi Nono semblait l'utiliser dans ses master class ... J'ai toujours entendu mes parents la répéter de temps à autre. La retrouver par hasard dans une autre langue, dans un roman, provoque ce genre de petit plaisir que l'on a de découvrir des connections inattendues entre univers différents.

Wednesday 8 August 2012

Watching The English : The Hidden Rules of English Behaviour - by Kate Fox


      «Tea is still believed, by English people of all classes, to have miraculous properties. A cup of tea can cure, or at least significantly alleviate, almost all minor physical ailments and indispositions, from a headache to a scraped knee. Tea is also an essential remedy for all social and psychological ills, from a bruised ego to the trauma of a divorce or bereavement. (...) Perhaps most importantly, tea-making is the perfect displacement activity : whenever the English feel awkward or uncomfortable in a social situation (that is, almost all the time), they make tea. It's a universal rule: when in doubt, put the kettle on. Visitors arrive; we have our usual difficulties over greeting protocol. We say «I'll just put the kettle on». There is one of those uneasy lulls in the conversation, and we've run out of weather-speak. We say, «now, who'd like more tea ? I'll just go and put the kettle on». A business meeting might involve having to talk about money. We postpone the uncomfortable bit by making sure everyone has tea. A bad accident - people are injured and in shock: tea is needed. "I'll put the kettle on». World War Three breaks out - a nuclear attack is imminent. «i'll put the kettle on». You get the idea»
P.312


      «In any case, the Church of England is the least religious church on Earth. It is notoriously wooly-minded, tolerant to a fault and amiably non-prescriptive. To pit yourself down as «C of E» (we prefer to use this abbreviation whenever possible, in speech as well as on forms, as the word «church» sounds a bit religious, and «England» might seem a bit patriotic) on a census or application form, as is customary, does not imply any religious observance or beliefs whatsoever - not even a belief in the existence of God. Alan Brenner once observed, in a speech to the Prayer Book Society, that in the Anglican Church «whether or not one believes in God tends to be sidestepped. It's not quite in good taste. Someone said that the Church of England is so constituted that its members can really believe anything at all, but of course almost none of them do».«So although only 12 per cent, at the last count, will go so far as to call themselves atheists, I think that the former Archbishop's notion of prevailing «tacit atheism» among the English is fairly accurate. If we were real atheists, he and his Church woumd have something to get their teeth into, someone to argue with. As it is, we just don't care enough. (...) Other people are very welcome to worship Him of they choose - it's a free country - but it is a private matter, and they should keep it to themselves and not bore or embarrass the rest of us by making and unnecessary fuss about it. (there is nothing the English hate more than a fuss.)»Pp. 354-356


      This ethnography of England is quite remarkable and fully enjoyable. Neither an academic work that needs to be read 4 times to be understood, or a smallish book tourist-style approach that can be read in 3 hours, it is enjoyably lenghthy and thorough, and you really get the idea of what it means to be English, regardless of the English person's real origins. The social unease, the immense role of humour, the pub rules ... You become aware of the pattern of the english mind, though it's hard to define what is specifically English, since a great many things are common in many countries, it's more about the way of dealing with them, of using them. But somehow the author manages to explain it, and it's really convincing, worth the read, even if you don't plan to visit the country anytime soon ... What I noticed too is that we do have a lot in common, we the french people. In this book we discover our northen english-style half part, all the while realizing that we do have another quite different part, the southern-latin part.



(كتاب لكايت فوكس دكتورة في علم الإنسان وعملت على بلدها إنكليترا لتحقيق ما هي الهوية الانكليزية مثلما عادة يفعلون علماء علم الانسان في البلدان الأجنبية الغريبة بالنسبة للغرب. الكتاب ممتع جدا وأحب الفكرة ان ندرس بلادنا في الغرب بنفس الطريقة نفعلها في البلدانالأخرى ... وحقيقة تكشف وتتعلم أشياء كثيرة عن حياة فكرت أن تعرفها عبر التلفاز والسينما وعن الدورة الاجتماعية للظرفات والسخرية الشهيرة لدى الشعب الانكليز والكحول وهذه الأشياء التي تفكرها غير مهمة)