Si je n'avais pas lu Edward Saïd, je serais orientaliste - لو ما قرأت كتاب إدوارد سعيد لكنت مستشرقة

Sunday 29 May 2011

De retour ...

... ou plutôt devrais-je dire de passage ?
De retour en France pour quelques mois inch'Allah, pour 3 ans au pire. Ce n'est pas très grave en soi, mais quand je suis montée dans le deuxième avion, celui qui atterissait à Paris, entendre du français autour de moi m'a assomé. Ce n'est pas que je n'aime pas cette langue, mais je crois bien que je ne l'aime qu'écrite. Parlée elle me paraît toujours surfaite, sauf s'il y a un accent régional prononcé, quelqu'il soit.
Pour les 3 mois à venir, j'ai heureusement une bibliothèque bourrée à craquer qui promet de belles heures de lectures ... en arabe, anglais et italien. On verra si on peut y mettre un peu de français, Bourdieu n'a jamais fait de mal.
Et comme à chaque fois, j'oublie à quel point tout est vert Disney dans ce pays. A côté du vert gris poussiérieux et ancien de la Jordanie, de l'Australie, ce vert brillant et joyeux des arbres de franche comté parait lui aussi surfait, comme les petits pois vendus en boîte. Pourtant c'est beau, mais ça manque bizarrement de réalité.
Que les retours sont durs. Enfin, les transitions.

Friday 20 May 2011

Vendredi d'ennui



Comme un dimanche français, un vendredi jordanien est ennuyeux. On a beau avoir plein de choses à faire, dont des examens à réviser, des bouqins intéressants à portée de main, du nutella dans le placard, un soleil radieux ( peut être trop, on est obligé de fermer les fenêtres pour garder un peu de fraîcheur ), des infos particulièrement trépidantes : rien de mieux qu’un vendredi pour que les chaînes d’infos du monde arabe se remplissent de suspense : qui va manifester, où, quel nombre, quelle répression, quel nouveau pays va entrer dans le bal des révolutions et des révoltes, quelle nouvelle stupidité va nous sortir tel dirigeant (arabe ou occidental) ? 

Et pourtant c’est un vendredi, jour de congé, de repos, de prière, et d’ennui. Alors on lit des articles sur internet au lieu de réviser, on regarde les infos d’un oeil, toujours les mêmes reportages, les mêmes foules, les mêmes morts, la même injustice, la même politique à deux vitesses de l’occident vis à vis du monde arabe, le même espoir de plus en plus ténu que les populations arabes arriveront un jour à la liberté, à se débarrasser des ingérences étrangères pour de bon. 

Même pour cette année exceptionnelle, tant au niveau personnel qu’au niveau mondial et moyen-oriental, le vendredi finit par être un jour d’ennui, comme un dimanche en France. La seule différence c’est que l’ennui se passe dans une autre langue, et c’est bien pour ça que je préfère encore les vendredi d’ennui que les dimanche d’ennui.

Thursday 19 May 2011

Visite médicale

J’ai été voir le médecin aujourd’hui, n’en finissant pas d’être malade, et il m’a demandé ce que j’étudiais en France. Arabe et anthropologie. «Anthropologie sociale ?» m’a-t-il demandé ( pour différencier de l’anthropologie physique, distinction généralement faite en anglais - on parlait en anglais ), il paraissait très intéressé, qualifiant cette science de fascinante ... On a malheureusement peu eu le temps de parler, mais le temps pour lui de me dire «tu vois, je suis arabe, mais je n’ai jamais rien compris à la société arabe ... L’anthropologie a certainement beaucoup de choses à dire là dessus», et aussi de me dire la tristesse qu’il ressentait en voyant ce qu’il se passait au Yémen, au Bahrein, en Syrie ... J’aurais bien aimé parler plus, c’est tellement rare de tomber sur des gens intéressés par l’anthropologie, et qui se posent de questions comme je m’en pose.

Wednesday 18 May 2011

Flemmarde

J’ai passé plusieurs mois à prendre soin de mon allure : changer de vêtements tous les jours pour qu’en une semaine je ne me retrouve pas avec la même tenue deux fois, etc ... Et là depuis un mois, depuis que je pense aux cartons, depuis que je suis tombée malade, je suis passée en mode flemmarde, grâce à ce merveilleux habit, très courant au moyen orient, qu’est l’abaya.

Encore une fringue largement décriée dans nos contrées, une espèce de grande robe noire ( parfois avec des touches de couleur ) qui descend presque par terre, plus ou moins ample, qu’on met par dessus les vêtements pour sortir. Donc on entendra toujours parler des détracteurs qui trouvent ce vêtement pas pratique, trop chaud, anti-femme ( parce qu’il est sensé cacher les formes, mais je trouve ce point plus que discutable quand il y a un peu de vent ), etc ...

Mais personnellement, j’adore ce vêtement, c’est le confort dans toute sa splendeur : on peut s’habiller n’importe comment en dessous, donc mettre les fringue les plus confortables que l’on a ( voire un pyjama ), personne ne le verra et vous passerez la journée tranquille, sans être serrée ou gênée par quoi que ce soit ( à moins que comme les fashionistas du Golfe vous tenez à mettre des fringues à la mode pas toujours très agréables à porter ). Et à mon goût personnel, ce vêtement a une classe rarement égalée : tellement de coupes et de matières utilisées, tellement de joli drapés, tellement de beaux mouvements créés par le vent et les gestes ... Sachant que pour une raison ou une autre les plus belles abaya que j’ai vues étaient portées par des filles du Golfe, à croire qu’elles ont des modèles spéciaux.

Donc me voilà, dans ma dernière semaine en Jordanie, à profiter de mettre ce vêtement que je ne pourrai très certainement pas mettre en France, ne recherchant pas particulièrement le regard dubitatif des gens flippés sur tout ce qui fait «musulman» ( j’ai récemment entendu parler d’une affaire de robe longue dans une école, accusée d’être un signe religieux (!), comme si l’interdiction du voile ne suffisait pas ... )

Tuesday 17 May 2011

Rien que des bouts de tissus

J’aime ce pays où on peut croiser une fille blond platine, une autre en niqab, une autre en voile classique, sans que personne ne trouve rien à redire à l’une ou l’autre ( sauf peut être les zélés de toutes factions, mais n’oublions pas qu’ils sont une minorité ). Certes la majorité des femmes dans ce pays sont voilées, une minorité ( souvent des classes aisées ) ne l’est pas, une autre minorité est en niqab ( femmes bédouines ou du golfe, plus rarement de la mouvance dite «salafiste» ), mais ces deux minorités ne semblent pas rencontrer autant de difficultés ici dans ce pays telles que d’autres minorités pourraient en rencontrer en France ou ailleurs. Je ne peux pas en jurer, je n’ai vécu ici que 8 mois, mais il paraîtrait clairement absurde aux gens ici de faire des lois interdisant le niqab ou de sortir «en cheveux» dans la rue ... On ne peut pas en dire autant en France. Mais quand le culturel rencontre le religieux qui rencontre le politique, les gens gardent rarement la tête froide et objective ...

Mais je suis rassurée de voir qu’il y a encore des pays qui se foutent pas mal de ce que les femmes mettent sur leur tête. ( Je parle bien du pays en général, avec ses lois, et non pas des familles en particulier, où, comme partout sur cette planète, il y a des règles plus ou moins discutables ).

Friday 13 May 2011

Comparaisons

Je n’avais jamais réalisé à quel point la Jordanie pouvait ressembler à l’Australie ... On trouve les même couleurs que l’Australie centrale : terre orange, arbres vert-gris ( ici les oliviers, là bas les gommiers ), ciel bleu, désert infini. C’est peut-être pour ça que je me suis attachée si vite à ce pays. Et 6 heures d’avion au lieu de 28 c’est encore mieux.

Tuesday 10 May 2011

Lectures

     J'apprends des langues surtout pour pouvoir lire dans celles-ci, bien plus que parler ... Parler n'a jamais été mon truc, je le laisse aux plus doués que moi. Donc mon but principal, pendant cette année jordanienne, était d'accumuler et lire autant de livres que possible, ce qui est économique, vu le prix des livres ici comparé aux prix français. De la même façon c'est bien de savoir l'anglais, ne serait-ce parce que les occasions des livres anglais sur amazon sont carrément valables ...
     Donc après avoir fini un livre d'Abderrahmane Munif, dont l'écriture limpide est toute désignée pour les débutants en arabe qui veulent lire un livre en arabe sans trop s'arracher les neurones, j'ai attaqué un de Sonallah Ibrahim, et le Nom de la Rose. J'avoue que le premier est beaucoup plus facile à comprendre que le deuxième. Mais si j'arrive à lire en entier le Nom de la Rose ( que je n'ai jamais lu d'ailleurs ) en arabe, je pourrai affirmer sans trop de doute que j'ai au moins fait des progrès cette année de ce côté là, la lecture ...
     En tous cas il est bien dommage que سباقة المسافات الطويلة ( qu'on pourrait peut être traduire par "marathon" ? ) d'Abderrahmane Munif ne soit pas traduit en français, j'ai trouvé ce livre hautement pertinent pour cette année d'événements qu'a connu le monde arabe : l'auteur ne donne aucun nom de ville ou de pays en particulier, on se sait pas où se déroule l'histoire sinon dans un état "oriental" ( d'après le nom des personnages on peut deviner l'Iran des années 50 ? ), et c'est une révolution, la chute d'un régime, vu par les yeux d'un espion britannique qui se rend compte que l'Angleterre ( l' "empire" ) n'a rien vu venir, rien compris de ce qu'il se passait réellement et que tout lui échappe ... Et on a donc droit à la vision orientaliste de cet espion, et en quoi cet orientalisme l'aide à comprendre ou l'aveugle, pour au final arriver à ce résultat : le pays oriental a bougé tout seul, et personne n'y pouvait rien, sauf peut être les américains ...

Sunday 8 May 2011

L'honnêteté

    Une particularité jordanienne qui va me manquer ... Le chauffeur de bus qui s'arrête et te klaxonne pour te rendre 15 cents de monnaie ( comment peut tu oser partir sans attendre qu'on te rende la monnaie ? ), le vendeur du magasin de chaussures qui te redonne ton billet de 5 dinars la fois suivante que tu passes devant le magasin parce qu'après consultation avec le patron il aurait dû vendre la paire de godasses 10 et non 15 dinars ... ou le couturier, auquel tu redemandes une dernière retouche deux jours plus tard qui refuse d'être payé. Et le plus évident, les taxis, qui ne cherchent que très rarement à embobiner l'étranger, et lui fait payer le même prix, d'office, qu'aux jordaniens.
    Mon amie, qui a pourtant vécu dans pas mal d'autres pays arabes, était surprise à chaque fois de ces actes.
    La Jordanie est décidément un pays qui tourne rond là où beaucoup d'autres se casseraient le nez : aucune ressources naturelles, plein de désert, plus de réfugiés que d'habitants ( sur 6 millions, il y a 3 millions de palestiniens et 1 million d'irakiens, sans compter les travailleurs égyptiens, etc ... ) et entouré de voisins plus ou moins turbulents ( Syrie, Irak, Palestine, Arabie Saoudite ).
    Et le chauffeur de bus, pauvre et mal habillé, insiste quand même pour rendre tes 15 centimes, c'est une affaire d'honneur et d'honnêteté, ça ne se discute pas.

Saturday 7 May 2011

Um Qays

     Quel plaisir que d'emmener des gens sur des ruines et de les voir heureux comme des gosses, émerveillés par les vieilles pierres. C'est le cas d'une amie que j'ai emmené aujourd'hui à Um Qays, où se trouve un village romain-bysantin-ottoman avec une vue magnifique sur le lac de Tibériade. Un paysage bucolique plein de fleurs de toutes les couleurs, et trois pays en un seul regard : Jordanie, Syrie ( et Golan ) et Israel-Palestine. Paysage bucolique et pourtant si tendu de barrières plus ou moins invisibles. Un pays occupé, un pays sans gourvernement plus loin ( on peut deviner le Liban au delà de quelques montagnes ), un pays en révolution ou guerre civile, on ne sait pas trop, et la Jordanie, bizarrement calme au milieu de ses drôles de voisins, se contentant de quelques manifs le vendredi.
     En tout cas un des lieux de Jordanie à ne pas rater, 3 dinars l'entrée, 75 cents de minibus de Irbid à Um Qays.
     Puis de terminer la journée dans un restau, à 4h, car peu importe l'heure, il y a toujours à manger, et surtout du mansaf, le plat typique jordanien ( riz, viande ou poulet, le tout arrosé de lait de mouton épicé ) simple et affreusement bon.

Friday 6 May 2011

Débuts et fins

    Dernier mois en Jordanie. J'aurai fait bien plus que je n'avais prévu, mais aussi beaucoup moins. Mais cette année aura servi au moins à confirmer une chose : je ne peux pas être très loin du Moyen Orient très longtemps.
    Je m'attendais à bien plus de soleil, j'ai eu beaucoup de pluie. La Franche Comté me suit-elle jusque là?
    Je m'attendais à parler couramment, finalement je m'estime heureuse de pouvoir comprendre presque couramment.
    Je m'attendais à tout un tas de problèmes sur le plan social, j'ai eu une année très facile. Mais dure sur un plan que je n'avais pas envisagé, la santé. Deux semaines que j'ai failli y passer, déshydratation sévère, dysentrie, fièvre, vomissements, sauvée aux urgences. Il aura fallu que j'aille au fin fond d'un pays arabe pour aller à l'hôpital pour la première fois de ma vie.
    Nouvelle vie donc, avec un but à long terme : la maîtrise parfaite de l'arabe, que mon premier roman, quelque soit le nombre d'années qu'il mettra à voir le jour, soit écrit en arabe avant tout autre langue. Joseph Conrad l'a bien fait, pourquoi pas moi ?
    Et d'autres buts : apprendre tout un tas d'autres langues, visiter tout un tas de pays, faire tout un tas de métiers, rencontrer tout un tas de gens. Ca fait bobo mais je m'en fous, je serai toujours trop fauchée pour être réellement bobo.
    Et lire le plus de bouqins possible. C'est clair et net, je suis de la religion du Livre.